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Champ Date 12.12.2022

En Bretagne, « l’usine à saumons » difficile à avaler - Reporterre.net

Résumé Dans les Côtes-d’Armor, près d’un millier de personnes ont manifesté contre une ferme-usine de saumons. Ils demandent l’abandon d’un projet qui pourrait polluer l’eau.
Billet Il est 11 h passées, ce samedi 10 décembre, quand les manifestants investissent le terrain destiné à accueillir le projet d’usine à saumons de Kerizac, sur la commune de Plouisy, en périphérie de Guingamp. Les grappes d’opposantes et opposants se répartissent dans le champ et plusieurs groupes se lancent dans un chantier de plantations d’arbres. On se passe de main en main les pelles et les pioches, puis les plants de saules, de troènes ou encore de châtaigniers.

À l’entrée du champ, une petite dizaine de personnes s’active autour d’un mât sur lequel sont fixés des panneaux d’indication : « Smart Salmon, Norvège, 2 530 km », « Ministère de la Transition écologique, Paris, 490 km », « Usine de farine de poisson, Gambie, 5 380 km ». Et au sommet du mât, le lieu-dit Kerizac a été rebaptisé « Kerizad ».

Ce ne sont pas les 3 °C de cette matinée de froid sec qui ralentiront les 200 opposants présents sur place. Ni le monticule de terre de plusieurs mètres de haut déversé, la veille de cette journée d’action, à l’entrée du site pour en empêcher l’accès. « C’est très certainement Guingamp-Paimpol Agglomération qui a décidé de faire ça », dit un manifestant, « ce sont les propriétaires du site ».

« Élever des saumons en pleine terre, ça paraît aberrant, c’est comme si on élevait des cochons sur une berge en mer », s’exclame Jean Sarasin, membre du collectif Dourioù Gouez (Eaux sauvages en breton.) à l’origine de la mobilisation. Le militant rappelle les nombreuses critiques que porte le collectif à l’égard de ce projet de ferme-usine : artificialisation de 10 hectares de terres agricoles, surexploitation des ressources en eaux pour un département encore récemment affecté par la sécheresse, rejet « de déchets d’azote et de phosphore, carburants des algues vertes ».

Jean Sarasin balaie également l’argument de la création de 50 à 100 emplois mis en avant par l’agglomération Guingamp-Paimpol, qui a signé le compromis de vente avec Smart Salmon en juin 2021 : « Dans l’agroalimentaire à Guingamp, ils cherchent sans arrêt du monde parce que ce sont des postes mal payés, dans le froid, en trois huit ; ça ne sert à rien de créer des emplois dans un secteur qui peine déjà à recruter. »

Le projet à « un tournant »
Le collectif Dourioù Gouez estime que le projet est à « un tournant, car si Smart Salmon ne dépose pas de dossier avant le 15 janvier, le compromis de vente signé pourrait être annulé, d’où la nécessité de se mobiliser aujourd’hui ». Le 7 décembre dernier, le maire de Plouisy, Rémy Guillou, longtemps favorable au projet, a finalement annoncé qu’il remettait en question la délivrance du permis de construire. Cette annonce laisse de marbre Jean Sarasin, qui « n’a aucune confiance et reste très méfiant » face à ces déclarations et indique que Smart Salmon réfléchit déjà à un plan B à Guerlesquin, dans le Finistère, à une quarantaine de kilomètres de là.

La session de plantations se termine par une soupe, des tartines et quelques crêpes. Puis les opposants prennent la route de Guingamp. Des membres de la Confédération paysanne, d’Extinction Rebellion, du collectif Bretagne contre les fermes-usines ou encore de l’intersyndicale de Guingamp CGT-FSU-Solidaires viennent grossir les rangs d’un cortège d’un millier de personnes qui s’élance dans les rues de la ville.

Julien Le Guet, un des porte-paroles du collectif « Bassines, non merci ! », a jugé nécessaire d’être présent. Il pointe les similitudes qui existent entre les projets de mégabassines dans les Deux-Sèvres et celui de la ferme-usine de Plouisy, concernant la gestion de l’eau, le « respect des milieux aquatiques et la manière dont on produit notre alimentation ». « Ce projet d’usine est un symbole absurde de cette agro-industrie qui fabrique des saumons en terre, c’est un vrai désastre écologique et donc ça nous paraissait important d’être là aujourd’hui » conclut, de son côté, Camille [*], membre de Reprendre la Bretagne aux machines, une assemblée d’activistes et de collectifs en lutte localement qui s’inspire des Soulèvements de la terre.

Article paru dans Reporterre le 12/12/2022