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Champ Date 04.11.2021

Deux projets de « ferme-usine » de saumons dans le Pas-de-Calais suscitent la polémique

Résumé Le singapourien Pure Salmon et le suisse Local Ocean souhaitent, chacun, installer une « ferme-usine
» près de Boulogne sur Mer
Billet "Non à la pisciculture intensive dans le Boulonnais » : c’est derrière ce mot d’ordre que se sont réunis riverains, associations, élus, samedi 30 octobre, pour dénoncer le projet de la société Pure Salmon, à Boulogne sur Mer (Pas de Calais).

Une« ferme-usine», comme la qualifient ses détracteurs, qui devrait pouvoir produire 10 000 tonnes
de poisson par an. « Les 10 000 tonnes de saumonque souhaite produire Pure Salmon sont à comparer aux
30 000 tonnes de poisson débarqués, chaque année, par les pêcheurs dans le port de Boulogne sur Mer
», estime Denis Buhagiar, élu EELV à la communauté d’agglomération du Boulonnais (CAB) et acteur de la mobilisation. Avec les autres manifestants, il devait remettre à la préfecture une pétition contre le projet, qui a recueilli 63 000 signatures. Les opposants critiquent la consommation excessive d’eau et d’énergie de cet élevage intensif, soulignent les risques de pollution et de souffrance animale, sans oublier l’artificialisation de terres agricoles. En fait, l’initiative aquacole de Pure Salmon a été présentée officiellement début 2020, lors de l’évènement Choose France, présidé par Emmanuel Macron. A
cette occasion, les groupes étrangers désireux de s’implanter en France sont accueillis les bras
ouverts. Or, le financeur de cet élevage à grande échelle de saumons n’est autre que le fonds
d’investissement singapourien 8F Asset Management. Créé en 2016, il a levé 360 millions de dollars (311,4 millions d’euros) en 2020, puis 60 millions de dollars supplémentaires en septembre 2021, pour développer
Pure Salmon. Dans son tour de table se trouve la société israélienne AquaMaof , instigatrice de la technologie d’aquaculture en circuit fermé, sélectionnée par 8F. L’eau est, en effet, pompée, filtrée et
réoxygénée, pour être réutilisée dans des bassins construits sur la terre ferme, contrairement aux
élevages en mer. Pure Salmon dit avoir testé son concept dans une première installation pilote en
Pologne. Elle vise maintenant, en vraie grandeur, la France, le Japon,les Etats-Unis et le Moyen-Orient.

« Dossier très insuffisant »
Pour mener à bien le projet à Boulogne sur Mer, elle a recruté Xavier Govare, l’expatron
de la société Labeyrie, nommé président de Pure Salmon France.
L’entreprise se dit prête à investir 143 millions d’euros dans saferme aquacole terrestre, comprenant
une écloserie, une unité d’élevage et un atelier de transformation, et fait miroiter une centaine d’emplois. En février, Frédéric Cuvillier, président PS de la CAB, a fait voter la promesse devente des terrains nécessaires à cette implantation. Soit plus de 15 hectares à dominante agricole,situés dans le parc d’activités de Landacres, à cheval sur deux communes du Pas de Calais, Baincthun et Hesdin l’Abbé.
Pour faciliter l’implantation, une décotede 25 % a été appliquée au prix de vente du foncier, cédé pour 2 millions d’euros.
Toutefois, saisie, la mission régionale d’autorité environnementale(MRAE) a publié, en mai, un avis très critique sur le projet.
« Le dossier est très insuffisant, certaines études comme celle de la biodiversité étant en cours,
d’autres étant insuffisantes (paysage, étude de danger qui n’étudiepas le risque ammoniac, par exemple)
et certains éléments du projet encore en réflexion, notamment concernant l’alimentation en eau de l’usine », écrit-elle, en demandant à Pure Salmon de revoir sa copie. Sur le point crucial de l’eau, la MRAE précise que les besoins de la ferme aquacole sont estimés à 547 000 m3 par an, plus 1 500 m3 par jour, soit l’équivalent de laconsommation annuelle de 10 000 habitants.
Mais Pure Salmon n’est pas la seule en lice dans cette course à l’implantation de fermes aquacoles géantes. Une autre entreprise, dont le siège est en Suisse, Local Ocean, a demandé à la société
d’exploitation du port de commerce de Boulogne sur Mer d’occuper une parcelle de 45 500 m2.
Elle chiffre l’investissement à 106 millions d’euros et le nombre d’emplois potentiels entre 75 et 150. Misant également sur un système d’aquaculture terrestre en circuit fermé, mais en désalinisant en partie l’eau de mer, dit-elle, elle vise une production de 8 500 tonnes de saumon par an. Avec la possibilité de l’accroître jusqu’à 15 000 tonnes.
Le 1er juillet, la CAB, sous la houlette de M. Cuvillier, a fait franchir un pas à ce projet dont on ne connaît pas le montage financier. Elle a voté l’attribution d’un prêt de 2,5 millions d’euros à Local Ocean,
le conseil régional des Hauts-de-France abondant, de son côté, pour un montant équivalent. 

laurence girard

source : https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/11/02/deux-projets-de-ferme-usine-de-saumons-dans-le-pas-de-calais-suscitent-la-polemique_6100646_3234.html