le billet d'humeur de Bernard...


UNE USINE DE SAUMONS DE TERRE A PLOUISY

Emblématique d'un monde "cul par-dessus tête", voici l'élevage de saumons sur des terres agricoles.

Autrefois très fréquent dans nos rivières, il a disparu, conséquence de l'industrialisation :
Déchets industriels, rejets de l'agriculture chimique et des élevages hors-sol, destruction des haies et des talus…

Alors que le saumon sauvage disparait, l'industrie alimentaire en fait un produit fort demandé, magie de l'industrie et paradoxe du marché, en somme moins il y en a et plus il y en a !

Comment ne pas croire au progrès scientifique ?

Pour les promoteurs de ce projet monstrueux, il faut répondre quoiqu'il en coûte à la demande du consommateur car, c'est bien connu, c'est le consommateur, cet enfant gâté, qui crée le marché et non l'inverse.
Après la 26ème foire aux promesses de la COP 26, le désastre de l'agriculture industrielle (cultures et élevages) offre à une armada de chercheurs très malins la possibilité de transformer ce désastre en opportunité, de nous proposer une production de nourriture plus saine et plus respectueuse de l'environnement, un monde désirable.

Ce monde rêvé de technocrates est celui de la dépossession des savoir-faire de la paysannerie et de l'artisanat.

Dans un monde à l'endroit nous aurions cessé de manger du saumon s'il avait disparu. Mais la disruption techno-industrielle (sorte d'alchimie) permet la fabrication de cet ersatz de chair de poisson.

Comment ça marche ?

Dans de grandes bassines, des milliers de saumons carnivores gobent un aliment à base de végétaux, notamment du soja transgénique brésilien cultivé sur des terres issues de la déforestation de l'Amazonie.
Bien sûr qu'avec 3 à 5 kilos d'aliment pour produire 1 kilo de saumon multiplié par 20 000 tonnes, ça laisse un gros tas de boues (de la merde !) que va-t-on en faire ? Benêts que nous sommes, telle la fleur de lotus émergeant de la vase, de délicieux légumes seront produits sur ces boues grâce à des techniques innovantes, soi-disant durables et respectueuses de la nature, qui devraient rassurer les décideurs. Il n'y a pas de problème technique, il n'y a que des solutions, merci.

Il nous faut rappeler que les milliers de tonnes d'excréments de poissons viendront s'ajouter à l'excédent des fientes et lisiers déjà produits par les élevages hors-sol. Rappelons aussi qu'il est de bon ton de vouloir réduire la souffrance animale et que les poissons, même si nous ne les voyons pas et qu'ils ne crient pas, souffrent aussi.
Le bon sens voudrait qu'un tel projet n'aboutisse pas mais le bon sens est devenu un slogan publicitaire pour le Crédit Agricole, donc ça risque d'être :
« Fish and Fric »
Dans notre monde factice où le grand, le fort, le brillant, la démesure se parent de toutes les vertus il est possible que ce projet monstrueux ait pu éblouir et fait perdre tout esprit critique à ceux qui décident pour nous puisque la loi les y autorise.

A méditer :
"Une harmonie secrète s’établit entre la terre et les peuples qu’elle nourrit, et quand les sociétés imprudentes se permettent de porter la main sur ce qui fait la beauté de leur domaine, elles finissent toujours par s’en repentir. Là où le sol s’est enlaidi, là où toute poésie a disparu du paysage, les imaginations s’éteignent, les esprits s’appauvrissent, la routine et la servitude s’emparent des âmes et les disposent à la torpeur et à la mort."

« Du sentiment de la nature dans les sociétés modernes », Elisée Reclus, géographe du XIXème.